Virgile a écrit : ↑10 avr. 2021, 16:37
Félibien écrivait qu'il s'agissait d'une personne venant d'Arcadie (du style inscription parlante des tombeaux de la nécropole d'Orvieto). C'est une hypothèse intéressante, par ailleurs la Morée a été française au 12/13ème siècle, et la ville de Kyparissia aussi. Mais il y a certainement beaucoup d'autres aspects à prendre en compte.
Bonjour,
Je cherchais sur la Toile, non pas la possibilité d'une île, mais avec moins d'espoir l'éventuelle publication du fameux bulletin de la Société d'Etude du XVIIe siècle N° 19 de 1953. Quelle ne fut pas ma surprise de ne la trouver, avec l'article de Robert Gavelle, que sous cette forme anglo-saxonne :
http://www.cromleck-de-rennes.com/Et%20 ... %20Ego.htm
Je possède l'original (la traduction est fidèle), mais je suis modérément convaincu par le choix de R. Gavelle qui voit dans le distique de l'estampe du graveur Aldegrever une antériorité à l'inscription poussinienne :
HAEC FACIES. HIC CVLTVS. ERAT. CVM. SEPTRA. TENEREM REX. ANABAPTISTÔN SED. BREVE, TEMPVS. EGO.
Quoiqu'il en soit le débat entre les modernes Panofsky et Wesbach sur la pertinence de rapporter le mot ET à IN ARCADIA plutôt qu'à EGO ne m'a jamais séduit. Je ne vois aucune raison de douter de l'interprétation de Felibien, je partage cependant la conclusion de Gavelle à propos de la gravure d'Aldegrever, celle-ci "nous inviterait à rattacher l'inscription : ET IN ARCADIA EGO aux épitaphes antithétiques du Moyen-Age et de la Renaissance."
Sachant que la découverte des ruines romaines fut la grande affaire du temps pour les artistes, il est peu probable que Poussin ait échappé à la formidable attraction du Songe de Poliphile et particulièrement à l'influence du chapitre : Les tombeaux.
Polia l'initiatrice dirige les méditations de Poliphile sur : "les monuments nombreux semés dans cette enceinte ; écoutons surtout ce langage éloquent qu'ils parlent à celui que ses connaissances ont placé au-dessus du vulgaire. Il y a vingt siècles, ces temples, ces portiques, ces obélisques étaient debout, et semblaient devoir être éternels.
Vois le temps, le temps inflexible, saper de sa faux redoutable mais nécessaire, tantôt leur cime altière et tantôt leurs fondements ; sans cette destruction lente, et que le destin rendit inévitable, plus de mouvement, plus de reproduction, plus de vie, et tout est mort dans la nature ; c'est du sein de sa tige expirante que naît le germe de la plante.
(...)
C'est de la destruction des coquilles brisées et réduites en poudre que sont formés ces pierres et ces marbres, que ce même temps laborieux, infatigable, fit tailler, assembler, polir pour honorer les dieux, et que sa main puissante aujourd'hui renverse et livre à la fureur des flots ; mais sous leur vague écumante n'aperçoit-tu pas que ces mêmes familles de cames, de vermisseaux et de mille autres coquillages, viennent s'alimenter des sucs jadis empruntés à leurs pères, pour croître, se multiplier, mourir, se briser, et, lentement pétri par les ans dans l'empire de Neptune, redevenir des marbres à leur tour ?
Vois-tu cette chaîne électrique qui, toujours réformée et se limant sans cesse, unit ensemble et la terre et les cieux...
(...)
C'est au sein de ces tombeaux où la matière engourdie, affaissée, semble se reposer un moment que gisent aussi ces souvenirs touchants, ces impressions profondes, et ces puissants mobiles d'émulation qui perpétuent les vertus sur la terre.
Viens-donc, mon cher Poliphile, visitons avec soin ces marbres, ces urnes cinéraires..."
J'imagine volontiers Poliphile dechiffrant à genoux l'une des nombreuses épitaphes, Polia une main sur son épaule...
B. C. N. U. !